ABE - NO TURNING BACK
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ABE - NO TURNING BACK
Il laisse glisser ses phalanges sur la couverture de cuir qui enserre les pages élimées d’un ouvrage d’un autre temps, non sans rêvasser, la cigarette coincée entre les lèvres. Il s’est remis à fumer, dernièrement, lui qui s’émerveillait d’avoir parcouru le cap sacré des deux ans sans s’imbiber le corps de fumée âcre et d’une odeur de centre froide. Il ne la laisse pas griller là, entre ses lippes, pas dans la boutique, jamais. Mais il y rêve, d’oser l’allumer, même de la regarder faire, les pupilles dilatées, allant à l’encontre des règles figées dans le temps qui, même d’outre-tombe, perdurent selon la patriarcale volonté. Il était l’homme d’acier, ce père qui l’a élevé dans l’optique d’avoir la pérennité et l’éternité dans ce petit être qui pourrait tenir à bout de bras son commerce qui s’essoufflait déjà à l’époque. Les tenanciers n’y voient pas que du feu, et le crissement des comptes à payer qui s’accumulent là, dans l’arrière-boutique, atteste d’une précarité qui lui fait perdre pied. Ce commerce minuscule, un peu malmené par le temps, où les effluves du papier sont imprégnés dans les murs, le doux hâle d’une lumière légèrement tamisée illumine le vieux comptoir, une superbe antiquité qui n’a en rien perdu son panache. Lui, trop robuste pour manipuler les reliures de cuir fatiguées, trop magnanime pour admettre devoir se renouveler et modifier ce système qui fut instauré même avant qu’il fut né. Alors il pince entre plus fortement la cigarette entre ses lèvres, se décide à contourner le lourd meuble en bois d’ébène, fasse finalement tinter la cloche adjacente à l’entrée donnant sur le bord de la chaussée. Il pleut, pour changer. Alors il l’allume comme il peut, sa cigarette, et laisse courir la fumée entre les gouttes d’eau qui lui collent à la peau. Une ébauche de sourire éclaire son visage pour mieux couler, comme une esquisse d’une peinture malmenée, lorsque s’éteint les tintements rouillés. Il se met à penser que, sans surprise, il est le premier à les animer, bien qu’on fût bientôt la fin de journée…
« Abe » s’entend-il répondre, asséchant les verres de bourbon qu’il s’acharne à vouloir ranger à bon port, bien que les consommateurs sont légion, et que la liqueur ambré se consomme sans modération. L’odeur de jasmin s’échappe de sa chevelure de jais, ses hanches oscillant alors qu’elle s’évertue à se frayer un chemin entre sa stature imposante et la limite physique du comptoir du bar. Elle sourit, il la frôle, les sens s’affolent. « Billie » lâche-t-elle avant de s’affairer à bosser, se contentant d’éviter pendant un temps les contacts et les échanges, probablement plus habitué que lui à bosser à pleine capacité. Il la regarde faire du coin de l’œil, à la dérobée, elle vient d’arriver, pourtant s’affaire comme si elle y avait passé des années. Il arque un sourcil, se sert un doigt de bourbon. Le premier d’une lignée, si l’on se fie à la soif qui lui serre la gorge, ce besoin d’éteindre ce feu de doute et d’appréhension qui ne cesse de tout ravager, laissant Abe voguer à la dérive, s’évertuer à éviter cette déception inexorable que l’avenir s’évertue à propager.
Abe Carnegie- Messages : 14
Date d'inscription : 15/02/2018
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